samedi 29 mars 2008

Anciens et modernes, sans querelle

Mars, parce que ces dernières semaines ont eu à mon travail un arrière goût de tragédie, et avec ma soirée musicale d'après l'Enéide, semble avoir été placé sous le signe de l' Antiquité.
Parce que je possède désormais la série en DVD j'ai pu revoir toute la première saison de l'excellente Rome, et par un curieux hasard, alors que César venait de rendre l'âme aux Ides de Mars dans le douzième et dernier épisode, je suis tombée sur Gladiator à la télé...
Nonobstant quelques inexactitudes historiques çà et là, et quelques complaisances hollywoodiennes (bizarrement je peux encaisser la mort fictive de Commode sans broncher mais le discours final de sa soeur à la fin de Gladiator me donne envie de sortir le glaive et de faire un carnage...) j' aime le film de Ridley Scott et la série de HBO.
Je soupçonne que mon enthousiasme a peut-être à voir avec quelque part sombre de ma personnalité qu'excite la vue de ces personnages virils qui portent la robe, ne craignent pas le corps à corps et taillent joyeusement dans les chairs de leurs ennemis. La scène de l'arène dans l'épisode 11 de Rome restera à tout jamais pour moi un moment d'anthologie.
Bref sentant qu'un thème latin (;- )) s'imposait à moi, j'ai pris un dernier coup de Rome, et visionné le premier épisode de la saison 2, que j'avais conservé sur mon ordinateur (ah merveilleurx Titus Pullo consolant son ami Vorenus, et Marc Antoine se jouant de Brutus et tuant Quintus!), avant de me plonger dans une lecture de mon adolescence, les Mémoires d' Hadrien de Marguerite Yourcenar.
Je ne me rappelais guère de l'ouvrage. On m'aurait questionnée dessus, je n'aurais pas eu grand chose à évoquer si ce n' était un vague souvenir de prose poétique, l' omniprésence pesante de la maladie qui ronge, et aussi la douleur d'Hadrien à la mort de son amant, le jeune Antinoüs. J'imagine que pour l'adolescente que j'étais alors, cette liaison pédéraste dut être marquante.
En relisant l'ouvrage je me suis pourtant rendue compte que d'autres éléments étaient restés avec moi, à mon insu, pour résonner encore en moi aujourd'hui dans la forme comme dans le fond, et m'avaient finalement beaucoup plus profondément marquée alors même que je les avais oubliés.
En voici quelques extraits déterminants pour moi:

"De tous les bonheurs qui lentement m'abandonnent, le sommeil est l'un des plus précieux, des plus communs aussi. Un homme qui dort peu dort mal, appuyé sur de nombreux coussins, médite tout à loisir sur cette particulière volupté. J'accorde que le sommeil le plus parfait reste presque nécessairement une annexe de l'amour: repos réfléchi, reflété dans deux corps. (...) Ce qui nous rassure du sommeil, c'est qu'on en sort, et qu'on en sort inchangé, puisqu'une interdiction bizarre nous empêche de rapporter avec nous l'exact résidu de nos songes. Ce qui nous rassure aussi, c'est qu'il guérit de la fatigue, mais il nous en guérit, temporairement, par le plus radical des procédés, en s'arrangeant pour que nous ne soyons plus. Là, comme ailleurs, le plaisir et l'art consistent à s'abandonner consciemment à cette bienheureuse inconscience, à accepter d'être subtilement plus faible, plus lourd, plus léger, et plus confus que soi. (...) Je tâche de ressaisir la précise sensation de tels sommeils foudroyants de l'adolescence, où l'on s'endormait sur ses livres, tout habillé, transporté d'un seul coup de la mathématique et du droit à l'intérieur d'un sommeil solide et plein, si rempli d'énergie inemployée qu'on y goûtait, pour ainsi dire, le pur sens de l'être à travers des paupières fermées. (...) Si totale était l'éclipse, que j'aurais pu chaque fois me retrouver autre, et je m'étonnais, ou parfois m'attristais, du strict agencement qui me rmaenait de si loin dans cet étroit canton d'humanité qu'est moi-même. Qu'étaient ces particularités auxquelles nous tenons le plus, puisqu'elles comptaient si peu pour le libre dormeur, et que pour une seconde, avant de rentrer à regret dans la peau d' Hadrien, je parvenais à savourer à peu près consciemment cet homme vide, cette existence sans passé? (...) Un court moment d'assoupissement complet à mon âge, devient l'équivalent des sommeils qui duraient autrefois toute une demi-révolution des astres; mon temps se mesure désormais en unités beaucoup plus petites. (...) Le sommeil, en si peu de temps, avait réparé mes excès de vertu avec la même impartialité qu'il eût mise à réparer ceux de mes vices. Car la divinité du grand restaurateur tient à ce que ses bienfaits s'exercent sur le dormeur sans tenir compte de lui, de même que l'eau chargée de pouvoir curatifs ne s'inquiète en rien de qui boit à la source. (...) Qu'est notre insomnie, sinon l'obstination maniaque de notre intelligence à manufacturer des pensées, des suites de raisonnements, des syllogismes et des définitions bien à elle, son refus d'abdiquer en faveur de la divine stupidité des yeux clos ou de la sage folie des songes? (...) Je n'ai jamais regardé volontiers dormir ceux que j'aimais; ils se reposaient de moi, je le sais; ils m'échappaient aussi. Et chaque homme a honte de son visage entaché de sommeil. que de fois, levé de très bonne heure pour étudier ou pour lire, j'ai moi-même rétabli ces oreillers fripés, ces couvertures en désordre, évidences presque obscènes de nos rencontres avec le néant, preuves que chaque nuit nous ne sommes déjà plus..."
Edition Gallimard 1974, Folio, p25-26-27-28.
"J'essayai d'aller en pensée jusqu'à cette révolution par où nous passerons tous, le coeur qui renonce, le cerveau qui s'enraye, les poumons qui cessent d'aspirer la vie. Je subirai un bouleversement analogue; je mourrai un jour. Mais chaque agonie est différente; mes efforts pour imaginer la sienne n'aboutissaient qu'à une fabrication sans valeur: il était mort seul."
Ibidem, p 224-225.
"Une haleine humide s'exhalait de la mer; les étoiles montaient une à une à leur place assignée; le navire penché par le vent filait vers l'Occident où s'éraillait encore une dernière bande rouge; un sillage phosphorescent s'étirait derrière nous, bientôt recouvert par les masses noire des vagues. Je me disais que seules deux affaires importantes m'attendaient à Rome; l'une était le choix de mon successeur, qui intéressait tout l'empire; l'autre était ma mort, et ne concernait que moi."
Ibidem, p 270.
"Toute ma vie, j'ai fait confiance à la sagesse de mon corps; j'ai tâché de goûter avec discernement les sensations que me procurait cet ami: je me dois d'apprécier aussi les dernières. Je ne refuse plus cette agonie faite pour moi, cette fin lentement élaborée au fond de mes artères, héritée peut-être d'un ancêtre, née de mon tempérament, préparée peu à peu par chacun de mes actes au cours de ma vie. L'heure de l'impatience est passée; au point où j'en suis, le désespoir serait d'aussi mauvais goût que l'espérance. J'ai renoncé à brusquer ma mort."
Ibidem, p 302-303.
"La vie est atroce; nous savons cela. Mais précisément parce que j'attends peu de chose de la condition humaine, les périodes de bonheur, les progrès partiels, les efforts de recommencement et de continuité me semblent autant de prodiges qui compensent presque l'immense masse des maux, des échecs, de l'incurie et de l'erreur."
Ibidem, p 313-314.
Et enfin ces paroles finales que j'ai faites miennes dans tant de questionnaires:"Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets sans doute que nous ne reverrons plus... Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts..."

vendredi 7 mars 2008

Une madeleine américaine

The Lost, ou Les Disparus en Français est un des meilleurs livres que j'ai lus depuis très longtemps. Il s'agit d'un histoire vraie, d'une enquête quasi journalistique et pourtant c'est vraiment de la Littérature.

Les Disparus mérite tout à fait ce prix Médicis du meilleur roman étranger obtenu fin 2007. Il gagne à être lu.

Le plus amusant est que j'ai longtemps résisté à ce livre. Pendant des mois il m'a tentée et exaspérée tout à la fois. Il me lorgnait et me défiait , en pile, depuis les étalages de la Fnac ou dans ma librairie de quartier où j'aime à errer. Je l'avais repéré assez tôt, je lui jetais des coups d'oeil furtifs, le soupesant du regard. Mais jamais je ne l'ai feuilleté ou même effleuré. Toujours je le fuyais, en raison surtout du bandeau sur la couverture qui le vendait comme étant "l'anti-Bienveillantes". J' y voyais simplement un coup marketing et un livre surfant sur la vague de celui de Littell(que je n'avais d'ailleurs pas trouvé très bon). Et puis un jour une collègue que j'estime, et qui enseigne la littérature, m'a confié avoir été enthousiasmée par le travail de Mendelsohn et j'ai commencé à me dire que j'avais peut-être eu tord de repousser les avances de l'ouvrage! J'ai alors demandé à une autre collègue de me le prêter.

Les grandes histoires d'amour commencent parfois comme ça. Un premier rendez-vous manqué, une longue parade amoureuse, des rebuffades, et puis l'intervention d'un tiers qui permet finalement la rencontre. J'ignorais tout de l'auteur, mais rencontre il y eut. Ce n'est pas la première fois que je tombe ainsi amoureuse d'un auteur, que je trouve une âme soeur en un écrivain, mais ils sont en général morts depuis longtemps. Celui-ci est bien vivant, bien que New-Yorkais, homosexuel et juif.

A bien y réfléchir, c' était une rencontre à la fois improbable et évidente. Un Américain, juif, enquête et écrit sur la mort de ses lointains parents (son grand-oncle Shmiel et la femme et les filles de ce dernier) dont il sait qu'il furent tués par les Nazis dans un petit village de Galicie, Bolechow, (Ukraine actuelle) pendant la seconde guerre mondiale. Dès le départ on baigne dans la judeité familiale et il émaille son récit d'exégèse de la Torah. Il y avait de quoi me faire prendre mes jambes à mon cou, moi qui suis athée et ai en horreur toute forme de communautarisme. Et puis je n'ai pas de fascination macabre pour ce qu'on appelle la littérature des camps ou les récits de génocide. Et puis, en tant qu' historienne et professeur d'Histoire, je regrette la trop grande place prise par la seconde guerre mondiale dans l'enseignement et surtout je ne cesse de pester contre le mélange des genres, le règne du pathos et ce devoir de mémoire que politiques et groupes de pression ont sorti de leur chapeau il y a quelques années et dont on nous rebat les oreilles depuis. Inutile de dire ici ce que je pense de la dernière trouvaille sarkozyenne (enfin de Klarsfeld) sur l'enseignement primaire, ou des prises de position de gens comme Finkelkraut.

Mais dans le livre de Mendelsohn, il n'y a rien de tout cela ! Ce n'est pas un livre qui prétend participer à la construction de l'Histoire, ce n'est pas un livre sur le génocide juif, ce n'est pas un livre religieux, et ça n'est certainement pas un livre communautariste. Le livre ne cherche pas à faire dans l'émotion facile, le cinématographique et le mélodrame. On ne nage jamais dans le pathos, et pourtant il m'a remuée en profondeur.Il s'ouvre par une citation de Proust, tirée de La Prisonnière, sixième tome de A La Recherche du Temps Perdu. Et là tout est dit, évident.

J'aime ce livre car, en partant de souvenirs personnels et d'une quête individuelle, c'est un livre sur la famille, sur les relations que l'on noue avec les êtres qui nous sont proches ou que l'on rencontre en chemin et sur la mémoire. Et non pas un livre sur UNE mémoire. La traduction du titre pose d'ailleurs problème, mais comme le dit Eco, traduire c'est dire PRESQUE la même chose. The Lost, ce sont les disparus en effet, les oubliés, ceux qui ne sont plus là car la mort et l'oubli les a emportés, mais c'est aussi tout ce qui se perd en chemin, tout ce qui est perdu dans une vie. Le Français hélas ne permet pas de rendre compte de la richesse du titre. Mendelsohn oscille entre la lucidité (il sait au fond que certaines pertes sont irrémédiables, qu'une vérité se dérobe inévitablement et reste inaccessible) et le fol espoir de pouvoir combattre le néant qui dévore tout, de pouvoir redonner vie aux êtres par les mots, de retrouver ce qui a été perdu . Il sait aussi que le temps est compté, qu'il faut agir pendant que les êtres sont là et que ce que la mort a pris reste perdu malgré tous les efforts entrepris. Le livre est donc très mélancolique, nostalgique, et comporte ce sens du tragique cher à l'auteur puisqu'il est Hélléniste, mais on y trouve aussi des moments de grâce et le sentiment que la quête n'est pas vaine. En chemin, Daniel a trouvé ou retrouvé en partie ce qui avait été perdu.

En postface il écrit d'ailleurs ceci, à propos de son frère Matt, qu'il a réussi à entraîner dans sa quête et dont les belles photographies illustrent le livre:

"It would be an injustice, however, not to mark especially my deepest gratitude to Matt above all, since he has been a full collaborator in this project from start to finish; the tale told in this book owes as much to him as it does to me, and not simply because so many of its pages give evidence of his extraordinary talent. If I say that he has a beautiful way of seeing things, I am referring to more than his professional eye; in the end, his profound humaneness made itself felt in the words as much as the pictures. Of all that I found during my search, he is the greatest treasure."

La réflexion sur la fratrie est sans doute un des aspects les plus intéressants du livre. Mendelsohn rumine cet examen chapitre après chapitre, montrant que des sentiments complexes entrent en jeu. Très habilement, avec une grande intelligence mais aussi avec élégance et délicatesse, il articule ses réflexions autour de souvenirs, de son enquête, des témoignages recueillis, sur des extraits de la Torah ou plus exactement sur des exégèses de la Torah. Je dois dire que c'est passionnant, et j'ai particulièrement aimé la manière dont il traite le texte, comme une oeuvre littéraire (et on sent là le professeur de Grec ancien qu'il est!) et non comme un livre sacré. Et il le fait sans prétention, sans cuistrerie. Il ne s'agit pas de plaquages artificiels pour faire érudit. Tout est magnifiquement bien agencés et trouve une place inconstestable. Les exégètes qu'il invoque, l'un rabbi de la Californie moderne, Friedman, l'autre rabbi de la France médiévale, Rashi, deviennent au fil des pages des compagnons évidents dont les commentaires sont de charmantes diversions/digressions, que Mendelsohn commente à son tour en une sorte de méta-exégèse.

Ce qui frappe chez Daniel Mendelsohn à la fin, outre ce style proustien où il déroule le texte en spirales digressives et où il cultive l'art de l'intertextualité et de l'histoire à l'intérieur de l'histoire, c'est son intelligence des êtres, c'est tout simplement son humanité. Et l'homme a de l'humour. Il sait se montrer malicieux et espiègle. A de nombreuse reprises il fait sourire le lecteur, y compris dans les passages les plus ardus ou les plus secs.

Voici enfin une longue citation (avec coupure toutefois) pour terminer - mais c'est un passage merveilleux- concernant Sodome et Gomorrhe (évidemment!), qui intervient alors que le récit se déroule en Israël, et où Mendelsohn conteste le commentaire érudit de Rashi pour expliquer la transformation en statue de sel de la femme de Loth. Je trouve que cet extrait, qui n'aborde pourtant ni la guerre en Europe, ni les parents perdus, dit tout du livre et de son auteur, et explique bien que je sois tombée en amour.

"As ingenious as this explanation is, it seems to me to miss entirely the emotional significance of the text- its beautiful and beautifully economical evocation of certain difficult feelings that most ordinary people, at least, are all too familiar with: searing regret for the past we must abandon, tragic longing for what must be left behind. (...) Still, perhaps that's the pagan, the Hellenist in me talking. (Rabbi Friedman, by contrast, cannot bring himself even to contemplate that what the people of Sodom intend to do to the two male angels, as they crowd around Lot's house at the beginning of theis narrative, is to rape them, and interpretation blandly accepted by Rashi, who blithely points out thta if the Sodomites hadn't wanted sexual pleasure from the angels, Lot wouldn't have suggested, as he rather startingly does, that the Sodomites take his two daughter as subsitutes. But then, Rashi was French.)It is this temperamental failure to understand Sodom in its own context, as an ancient metropolis of the Near East, as a site of sophisticated, even decadent delights and hyper-civilized beauties, that results in the commentator's inability to see the true meaning of the two crucial elements of this story: the angel's command to Lot's family not to turn and look back at the city they are fleeing, and the transformation of Lot's wife into a pillar of salt. For if you see Sodom as beautiful -which it will seem to be all the more so, no doubt, for having to be abandoned and lost forever, precisely the way in which, say, relatives who are dead are always somehow more beautiful and good than those who still live- then it seems clear that Lot and his family are commanded not to look back at it not as a punishment, but for a practical reason:because regret for what we have lost, for the pasts we have to abandon, often poisons any attempts to make a new life, which is what Lot and his family now must do, as Noah and his family once had to do, as indeed all those who survive awful annihilations must somehow do. This explanation, in turn, helps explain the form that the punishment of Lot's wife took- if indeed it was a punishment to begin with, which I personally do not believe it was, since to me it seems far more like a natural process, the inevitable outcome of her character. For those who are compelled by their natures always to be looking back at what has been, rather than forward into the future, the great danger is tears, the unstoppable weeping that the Greeks, if not the author of Genesis, knew was not only a pain but a narcotic pleasure, too: a mournful contemplation so flawless, so crystalline, that it can, in the end, immobilize you."

mercredi 5 mars 2008

L'Affaire du chien des Baskervilles

Last week, I read an entertaining book by Pierre Bayard whom I knew for his brilliant Comment parler des livres qu'on a pas lus. By the way there's a good article on Pierre Bayard here (it's from the French newspaper, Libération).Well, entertaining might not be the most accurate word here. It's very clever, recreational and intellectual at once. The tittle is L'affaire du chien des Baskerville. Bayard's idea is that Sherlock Holmes got it all wrong (he isn't the first to think so, the Holmesians had alreay pointed out many anomalies and Christopher Gelly or François Hoff also wrote articles on a possible miscarriage of justice) . Basically Pierre Bayard leads a counter-investigation (and does find/reveal another guilty party) while writing an essay on literature (he teaches Literature in a Parisian University but he's also a psychoanalyst) . Bayard has started what he called himself "une critique policière" which is literary critic applied to detective novels. He has already done it with Agatha Christie (Qui a tué Roger Ackroyd ?) and Shakespeare's Hamlet (he proved Claudius innocent of the murder of Hamlet's father)I must say that I am not completely convinced by his solution here, and the final truth he gives us when he unmasks the murderer left me sceptical. However it's quite playful and all the work he does- about Holmes' method and his obvious mistakes, about the hound's innocence(the chapter "Plaidoyer pour le chien" is hilarious), about Stapleton's doubtful guilt and finally about Conan Doyle's ambivalence when it comes to his famous detective- before pointing out the true killer, well that work of his is SO smart and just fun. It's an exercice in style of exegesis and critic brilliantly accomplished by an Academic who fights with the text so it could be boring and could seem pointless but Bayard's tongue-in-cheek humour is simply priceless. It's even more priceless if you have enjoyed Jasper Fforde's Thursday Next series, if you have seen the BBC's programme The Reichenbach Falls based on an idea by Ian Rankin and if you think of that recent poll done in the UK wherein it turned out that 25% of British teenagers thought that Winston Churchill was a fictional character but more than 50% believed that Sherlock Holmes did exist and used to live in Baker Street!
See, everything is connected...
At the beginning of his book, Bayard quotes Jasper Fforde, then in the preface, after recalling the origin of the legendary hound of Baskerville, he writes(my own comments being in italics):
"Comment Conan Doyle a-t-il pu se tromper à ce point? Il lui manquait sans doute, pour résoudre une énigme aussi complexe, les outils de la réflexion contemporaine sur les personnages littéraires. [note here that Bayard ironically used some of the tricks that Conan Doyle or Holmes himself wouldn't have disowned !] Ceux-ci ne sont pas, comme one le croit trop souvent, des êtres de papier , mais des créatures vivantes, qui mènent dans les livres une existence autonome, allant parfois jusqu'à commettre des meurtres à l'insu de l'auteur. Faute de mesurer cette indépendance, Conan Doyle ne s'est pas aperçu que l'un de ses personnages avait définitevement échappé à son contrôle et s'amusait à induire son détective en erreur.Cet essai, en engageant une véritable réflexion théorique sur la nature des personnages littéraires , leurs compétences insoupçonnées et les droits qu'ils peuvent revendiquer, se propose donc de rouvrir le dossier du Chien des Baskerville et de résoudre enfin l'enquête inachevée de Sherlock Holmes, permettant par là à la jeune morte de la lande de Dartmoor, errante depuis des siècles dans l'un de ces mondes intermédiaires qui environnent la littérature, de trouver le repos."The theory of autonomous fictional characters is funny even though it isn't the most interesting side of the book actually and don't worry I won't spoil you about who did what crime-wise.The core of Bayard's essay, its morceau de bravoure, is how he connects The Hound of the Baskervilles, and all the anomalies that the author allowed, to the relationship between Conan Doyle and Sherlock Holmes. Because that case is the case of Holmes' resurrection even though it is supposed to have taken place before Holmes ' death."Ayant, dans des circonstances sur lesquelles nous allons revenir, mis à mort son détective, Conan Doyle, sous la pression du public, est contraint quelques années plus tard, la mort dans l'âme, de le ressusciter. Et c'est cette résurrection qui donne lieu au Chien des Baskerville.(...)Curieusement, personne à ma connaissance n'a jamais tenté d'établir un lien entre la mise à mort de Sherlock Holmes, sa réapparition et l'affaire du chien des Baskerville, alors que ces événements sont concomitants. Tout indique pourtant, non seulement que le roman en porte les traces, mais que l'analyse de celles-ci est déterminante si l'on entend ne pas s'en tenir à la vérité officelle et reconsituter ce qui s'est réellement passé sur la lande de Dartmoor."
By the way I learned on this book that Conan Doyle wanted to get rid of Holmes for a while but his own mother loved Holmes and whispered ideas and plots to Arthur's ear in order to prolonge the detective's life! And it worked during a few years until he couldn't take it anymore and killed off his hero. Bayard doesn't say it explicitly but the detail is significant and may colour the death of Sherlock Holmes in the Reichenbach Falls as a oedipean crime committed by Conan Doyle!Here I couldn't not think of the tv film The Reichenbach Falls and how the author (Harvey)and his detective (Buchan) were old pals who had become rivals. According to Bayard there was a love/hate relationship between the author and his creature. At some point hatred won, devoured Conan Doyle and Moriarty was made to do the dirty job.Anyway Conan Doyle had to ressurect Holmes. Looks like his readership's reactions were extreme, people mourned Holmes, were agressive (Conan Doyle even recieved death threats).
"Il y a bien quelque chose de fantastique dans la manière dont les admirateurs de Sherlock Holmes d'une part, Conan Doyle de l'autre, considèrent le détective à l'instar d'une personne vivante, dont ils souhaitaient, selon les cas, la résurrection ou la mort. C'est que dans ce monde intermédiaire qu'ils habitent en commun avec les créatures de la fiction il n' y a plus guère de différence entre les modalités d'existence des uns et des autres.(...) Cette autonomie du personnage atteint son apogée lorsqu'il refuse de se faire exécuter. Du combat entre Conan Doyle et Holmes, ce dernier sort en effet vainqueur. L'écrivain doit accepter en un premier temps de le faire revivre, probablement sous la pressin de sa victime, puis doit renoncer définitevement- après Le Chien des Baskerville où il le ressuscite- à le mettre à mort, contraint de le laisser vivre d'autres aventures où il apparaît de nouveau au premier plan."
From there, Bayard says that Conan Doyle suffered from "le complexe de Holmes" and carries out a brilliant study of The Hound of the Baskervilles, demonstrating how the author deliberately, although probably unconsciously, undermined the investigation, left Holmes in the background and portrayed the famous detective in an unflattering, or at least ambiguous, way. I mostly loved the moment he shows the parallel between the detective and the Hound, pointing out that Sherlock Holmes had often been compared to a dog in previous works but that the analogy reached a peak there, on several moments, including the last scene wherein the hound dies.
"Que Holmes ait une tête de loup et que le chien évoque le détective montre l'importance des brouillages identificatoires à l'oeuvre dans cette dernière scène et marque combien le fantasme de mise à mort de Holmes reste prégnant dans l'imaginaire de Conan Doyle, au point d'infiltrer le dénouement du livre.Il suffirait d'ailleurs pour s'en convaincre de noter l'étrange ressemblance entre le nom de Baskerville et celui de la célèbre rue où habite Holmes- Baker Street-, une ressemblance encore accentuée par la symétrie entre les deux noms de lieu, "ville" et "street", comme si Conan Doyle avait voulu inconsciemment, dès le titre du livre, qualifier Holmes de chien de Baker Street."
So Conan Doyle still wanted Holmes dead but couldn't kill him apart from a symbolical death so transfered onto the hound which, according to Bayard, screwed up the whole investigation and consequently hid an unsuspected kill and the real murderer in the book.The most intriguing part of the essay might be that Bayard actually keeps behaving like Holmes, spotting unsuspected clues, using deduction and logic, but also disregarding certain facts or making statements that are rather doubtful (about the size of mysterious character who followed Holmes in London or about the reason Stapleton went to the marsh). By leading the counter-inquiry, Bayard turned himself into Sherlock Holmes and seetled the score with Conan Doyle. But he also behaves like Conan Doyle himself, telling a tale like a narrator, knowing out to make the most of his effects:
"Absorbé par sa rivalité avec Holmes et ne cessant jamais de lui nuire à son insu, Conan Doyle n'a pas pris conscience que celui-ci ne disposait pas de forces suffisantes pour mener efficacement l'enquête et s'opposer à la volonté meurtirère d'un autre personnage. Dévoré par sa haine pour sa créature, il n'a pas prêté attention à la seconde histoire de haine que le livre raconte à l'insu du lecteur, et a ainsi laissé le champ libre aux activités criminelles d'un golem plus discret, mais beaucoup plus terrifiant que son détective."
I'm sure he did it on purpose to give a new layer to his little game and to please/fool the readership!At the end of the day Pierre Bayard shows us that when you really want to find something in a book you can and the connections you draw will work because there's a sweet insanity and a real freedom in the process of reading, and a reader is just as part of a book as its writer and its characters.

Où il est question de

liens, connections, mise en relation, parallèles, échanges, communication réciproque, pratique épistolaire, principe de Bohr, intertextualité et aussi peu ou prou de Baudelaire.